Nous arrivons à Pinar del Río, la ville du tabac par excellence à l’extrême ouest de l’île de Cuba. Nous sommes abordés par un cycliste le sourire aux lèvres, mais nous nous méfions, c’est sûrement un de ces rabatteurs qui essaie de vendre quelque chose ou emmène les touristes dans un resto en échange d’une commission. Après avoir trouvé une casa particular, cette fois légale mais nettement plus chère, nous reprenons la voiture pour aller visiter une plantation de tabac. Nous recroisons ce fameux cycliste ma fois bien insistant. Il nous indique gentiment la route de sortie et nous propose de nous accompagner à la plantation de tabac, car il n’y a aucun panneau. Il a l’air sympa, allez on le prend avec nous. Il s’appelle Jorge, il est âgé d’une quarantaine d’années et il nous raconte que son plus beau rêve est d’aller en France, il adore ce pays. C’est un fan de cyclisme et connaît tous les noms des grimpeurs. Il s’entraîne d’ailleurs tous les jours pour avoir la forme, surtout grâce à son travail de taxi-tricycle. C’est un personnage adorable, il a toujours un immense sourire sur le visage, on dirait presque un enfant !
Après une demi-heure de route, nous arrivons à la plantation de tabac. Nous voyons d’immenses champs de cette plante aux grandes feuilles vertes et quelques granges en planche de bois où elles sont séchées pendant des mois. Un bon orage et une pluie chaude nous tombe dessus ce qui rafraîchit tout de même l’atmosphère lourde. On se réfugie à l’intérieur d’une de ces capites où on nous explique les différentes étapes de la fabrication des fameux cigares cubains, les « habanos » ou « puros » comme ils les appellent ici. Nous écoutons docilement, un habano à la bouche. Il faut tout d’abord planter le tabac, qu’on laisse pousser de décembre à mars. Durant cette période, on coupe la plante qu’on laisse repousser une deuxième fois. En mars, la récolte commence, elle va durer 4 semaines. Selon la hauteur des feuilles sur la tige, la qualité du tabac diffère. En bas, le tabac est destiné aux cigarettes, le haut de la plante s’utilise pour les cigares doux et le milieu est la meilleure qualité de tabac. Les feuilles sont triées, classées et disposées sur des branches d’eucalyptus pour les faire sécher pendant deux mois. Les feuilles deviennent souples, douces au toucher, on dirait de la peau de chamois. Avant de rouler un cigare, la veine centrale est enlevée, c’est elle qui contient 99% de la nicotine du tabac. Conclusion : mieux vaut fumer un bon gros cigare cubain, qu’un paquet de clopes ! En n’oubliant pas de recracher la fumée… Et voilà, il n’y a plus qu’à rouler le cigare, 5 minutes, et il est prêt à être fumé !
Le meilleur habano, c’est le Cohiba, cigare créé en 1966 pour Fidel Castro et son entourage. Gaëtan et Yannick ont testé au moins 6 marques différentes et peuvent vous confirmer que le Cohiba Espléndido (d’une longueur impressionnante) est bien le meilleur ! Amélie et Céline crapoteront quelques bouffées de cigare, mais en resteront finalement au rhum… Durant la visite de la plantation, nous apprenons aussi à reconnaître les vrais cigares des faux, le bruit caractéristique au toucher, les feuilles à l’intérieur de tombent pas quand on le roule entre les doigts, l’odeur du tabac est douce et suave, quand on souffle dedans, la feuille extérieur se gonfle sans que l’air ne s’échappe, etc. Et puis après, le meilleur moyen de s’assurer quels cigares sont les vrais des faux, c’est en consommer ! Gaëtan et Yannick se feront un plaisir de pratiquer cet art tout au long du voyage.
Nous retournons sur Pinar del Río avec notre ami Jorge. Il reprend son vélo et part nous chercher un petit cadeau chez lui. Nous l’attendons intrigués et il réapparaît, toujours grand sourire avec un drapeau de la Suisse ! En plein cœur de Cuba, nous sommes en compagnie d’un cycliste cubain avec le drapeau suisse, cela mérite une photo. Il est merveilleux ce Jorge !
Le soir venu, nous mangeons dans la casa particular et nous faisons la connaissance d’un cubain qui parle français pour avoir vécu en France quelque temps. De fil en aiguille, nous lui proposons quelques appareils électroniques que les poulets on ramené de Suisse, mais ce qui l’intéresse, ce sont les fringues. Il faut dire que beaucoup de cubains sont habillés à la pointe de la mode. Des vêtements de marque, des lunettes Dolce & Gabana, des petites baskets Puma et aussi beaucoup de bijoux « bling-bling » on n’a jamais vu autant de marques, les gens sont presque mieux habillés que chez nous ! Ce qui est sûr, c’est qu’on a l’air de clodos à côté d’eux, ben oui, on se la joue profil bas en voyage ! Mais comment peuvent-ils se payer autant d’habits griffés ? Et bien pour l’essentiel, c’est de l’argent qui vient des ressortissants cubains travaillant aux Etats-Unis. Ils envoient de l’argent aux cubains restés au pays qui en profitent pour s’acheter tous ces accessoires de mode. Et puis il y a le tourisme, une source très très importante d’argent, tout le monde ou presque essaie d’en tirer parti. Car avec leurs 500 pesos cubains (20CHF) par mois de salaire, ils ne vont pas très loin. D’autant plus que tous ces habits s’achètent en CUC, la monnaie des touristes, qui faut 25 fois plus que le peso cubain. Un système bien compliqué à comprendre dont on va vous reparler.
Bref, nous discutons toujours avec ce cubain et nous lui disons que nous sommes intéressés à acheter des cigares, les fameux Cohiba Espléndidos. Pendant au moins 3h, Yannick et Gaëtan discutent avec lui et après une négociation très serrée et une bouteille de rhum, le marché est passé. Nous lui achetons 8 boîtes de cigares pour 21 CUC par boîte (25CHF tout en sachant que ces boîtes se vendent dans les 1000CHF chez nous…). Un prix qui frôle celui payé par les cubains ! Il nous en apporte déjà 4, les autres suivront demain. Pendant cette longue négociation, les filles se sont déjà endormies en habits de sortie, car il était prévu d’aller boire un verre dehors, mais la négociation s’éternisant, elles n’ont pas tenu la distance ! Le lendemain, le cubain revient un peu dégoûté. Il vient de vendre les 4 autres boîtes à des touristes pour 50CUC chacune, il nous demande si on veut pas par hasard lui rendre les 4 boîtes qu’il nous a filées hier, car finalement il s’est quasiment pas fait de marge dessus. Et bien non ! Désolé mon pote, mais pour une fois qu’on se fait pas entuber sur le prix, on va pas refiler une si bonne affaire ! ;-)
Avant de partir de Pinar del Río, notre ami Jorge nous rend une dernière visite. Il arbore avec fierté sa casquette blanche à poix rouges, celle du meilleur grimpeur du Tour de France. Il nous offre généreusement une bouteille de guayabita, de l’alcool d’un fruit portant le même nom et qui ne pousse que dans cette région. Gaëtan lui offre des vêtements et nous nous promettons de nous écrire et de nous revoir un jour. Nous espérons très très fort qu’il pourra réaliser son rêve et venir habiter en France. Ce qui n’est pas chose facile pour un cubain, car ils n’ont pas de passeport et ne peuvent sortir du territoire que s’ils reçoivent une invitation d’un autre cubain résidant à l’étranger, ou s’ils sont musiciens professionnels et partent en tournée par exemple. Et puis de toute manière, le prix du voyage est démesuré par rapport au pouvoir d’achat du cubain.
Enfin, Jorge nous propose gentiment de nous guider jusqu’à la sortie de la ville avec son vélo. Il va tellement vite qu’on a de la peine à le suivre en voiture, il pédale facilement à 50 km/h sans montrer aucun signe de fatigue et slalome entre les camions, voitures, charrettes et autres vélos. Il faut dire qu’avec les mollets qu’il a, on comprend mieux son endurance ! Nous lui disons au revoir et le quittons, lui se remet en selle toujours avec le sourire aux lèvres.
=> Album Photos Pinar del Río
Profile Photos
Il y a 10 ans
2 commentaires:
Bonjour,
Je ne sais pas si vous êtes encore actifs sur ce blog mais j"ai une amie qui a rencontré Jorge en automne 2017 et qui a obtenu pour lui des photos dédicacéesvde son idole Fabian Cancellara mais n'a pas ses coordonnées pour les lui faire parvenir. Avez-vous gardé comtact avec lui ?
Bonjour Chantal,
C'est incroyable que vous soyez arrivée sur notre blog, nous sommes rentrés de Cuba il y a... 10 ans déjà! Je suis retournée dans mon petit carnet de notes du voyage, quel plaisir de s'y replonger. Mais malheureusement, je n'ai pas retrouvé l'adresse de Jorge, ni dans mes emails. Je ne peux pas vous aider...
Si votre amie a vu Jorge en 2017, cela veut dire qu'il n'y pas réalisé son rêve de venir en France? J'espère qu'il va bien et qu'il a la santé. C'est vraiment une des plus belles rencontres de ce voyage.
Salutations
Céline
Enregistrer un commentaire